L’EFFECTIVITE DES DROITS CIVILS DANS LES ORDRES JURIDIQUES AFRICAINS (EXEMPLES EN DROITS BENINOIS ET SENEGALAIS DE LA FAMILLE)

Authors

Alban Coffi MADJA
UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

Keywords:

Droit civil, droit de la famille, droit international, droits du citoyen, droits des personnes, état de droit, Sénégal, Bénin

Synopsis

Les sociétés humaines et les acteurs du pouvoir auraient une tendance récurrente à l’anomie1
en général et à l’illégalité en particulier2. Ces tendances se manifesteraient par une sorte
d’insouciance généralisée vis-à-vis de la loi. Elles pourraient se justifier par le refus de
respecter la loi au regard des coûts ou des contraintes, engendrés, par la contestation de la
légitimité de telle ou telle disposition ou encore par l’inadaptation de la loi à une situation
donnée. La résistance aux normes peut être expliquée par l’existence d’une culture enracinée
de contournement de la loi dès lors que celle-ci est synonyme de coût ou de restriction3.
Cette dichotomie historique entre droit et réalité semble particulièrement marquer le droit
africain. Ainsi l’ordonnancement juridique consacre des droits sans que dans les faits, l’on
trouve des personnes qui en jouissent. Certains appellent cela « une crise d’authenticité de la
législation »4. En effet, empruntées au moment des indépendances, aux mécanismes de la
démocratie occidentale, les institutions d’importation installées en Afrique ont vite révélé
qu’elles souffraient du mal dont souffrent souvent ceux qui ont été obligés de quitter leur
milieu naturel pour aller vivre ailleurs5. Les lois appartenant au modèle « français » sont
souvent envisagées comme une espèce « d’intrusion, d’interposition artificielle et déviante »6.
Le modèle de droit occidental est souvent perçu comme la cause principale des distorsions
entre règles de droit et réalités sociales. Ainsi, la distance est importante entre les libertés
accordées aux individus par les textes constitutionnels et la réalité7. C’est pour comprendre
cet écart, cette distance entre les textes de loi et leur application que la présente réflexion se fera sur l’effectivité des droits civils dans les ordres juridiques africains, avec comme modèle
d’analyse les droits béninois et sénégalais des personnes et de la famille.
 Plusieurs juristes et même des non-juristes considèrent que la difficulté d’application du droit
en Afrique de façon générale et de façon particulière, du droit des personnes se justifie
essentiellement par la transposition des normes héritées de la colonisation et que de ce fait, le
droit appliqué est étranger dans les pays africains. La solution à l’ineffectivité du droit serait
dans le retour aux droits africains antérieurs à la colonisation ou à un dualisme juridique
tenant compte à la fois du droit français et des réalités africaines8. Cette proposition de
solution ne rencontre pas l’adhésion de tous. D’autres auteurs soulignent l’irréalisme de
l’application des coutumes dont ils jugent les méthodes contraires à celles du droit9.
 Ces différentes opinions attestent du rapport incontestable entre droit et société. Mais ce
rapport n’est pas toujours perceptible. En effet, des droits sont consacrés par les textes de lois
qui ne s’assurent pas toujours de leur mise en oeuvre effective. L’on observe ainsi bien
souvent, un écart, une distorsion entre les règles de droit et les réalités sociales d’une part, et
entre les règles de droit et la pratique judiciaire d’autre part. Ces constats mettent à nu les
carences d’effectivité de l’ordonnancement juridique.
 La seconde observation qui suscite la réflexion autour de l’effectivité et qui en même temps
renforce les carences de l’ordre juridique est le fait que l’effectivité constituait rarement une
préoccupation du droit. Les juristes, l’ignoraient « en poursuivant l’analyse de la seule norme
et en qualifiant de violation tout écart que dégage son application. »10 . La question de
l’effectivité ne se posait pas dans le raisonnement de l’application des règles juridiques ou
dans l’activité juridictionnelle. Le mot était étranger au langage dans lequel le droit est
exprimé. Il se retrouvait par contre dans le langage dans lequel le droit est décrit, discuté,
jugé, ce qui fait dire que « l’effectivité est un concept scientifique, appartenant à l’outillage de
la sociologie du droit, mais aussi de la théorie du droit ». Pourtant, les écarts entre le droit et les réalités sociales conduisent à l’existence de situations
de fait, de droit parallèle et donc de non-droit

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References

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Published

December 23, 2015

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