DYNAMIQUES DES SYSTEMES DE PRODUCTION, DROITS FONCIERS ET GESTION-INTRA-FAMILIALE DE LA TERRE CHEZ DES MIGRANTS SENOUFO DANS LE SANWI (COTE D'IVOIRE)

La dimension intra-familiale de la gestion des droits sur la terre dans les études conduites en Côte d'Ivoire, est généralement abordée chez les communautés autochtones, et peu chez les migrants qui, dans le contexte de la Côte d'Ivoire jouent un rôle clé dans la dynamique foncière. La question générale qui guide la réflexion est de savoir comment la terre est-elle gérée au sein des familles de migrants, en particulier ceux du groupe ethnique senoufo installés en zone forestière ivoirienne? L'objectif général est de comprendre et décrire le processus d'allocation, de transfert et de gestion des droits fonciers au sein des
familles. L'étude, essentiellement qualitative, s'appuie sur une approche compréhensive et processuelle, mise en oeuvre à travers une démarche de type ethnographique.

Sur la base d'une analyse comparative entre, Kongodjan, Ayenouan et Kohourou, villages à forte composante senoufo dans le Sud-Est ivoirien, il ressort que dans ces contextes des droits individuels ont émergé dans un contexte d'abondance foncière. Suite à l'héritage, on assiste à une "patrimonialisation" des droits sur la terre, avec constitution d'un bien familial indivis. L'évolution des droits observée n'a porté que sur les droits d'usage, et non sur les droits d'appropriation. Elle n'a cependant pas systématiquement conduit à une marchandisation des droits fonciers, du fait du statut familial des terres. Les relations
autochtones-migrants n'ont pas d'incidence sur la gestion intra-familiale des terres chez les migrants. Les migrants gèrent librement leurs terres en se référant à leurs propres systèmes de valeurs. Ils reconnaissent toutefois détenir des droits sur des terres qui ne leur appartiennent pas. Les familles d'origine des migrants n'ont également pas d'incidence sur la gestion intrafamiliale des droits chez les migrants. Actuellement, le contenu de la gestion intra-familiale est déterminé par des conseils de famille restreints aux descendants des pionniers installés en zone d'immigration. L'évolution des opportunités de production agricole locales a conduit à une évolution du jeu intra-familial des droits. Cependant malgré ces évolutions, la gestion intra-familiale est peu conflictuelle.

En somme, les droits fonciers et leur gestion intra-familiale, sont des construits sociaux, résultat d'un processus d'opposition, de négociation et de consensus, dont la pe1iinence et la cohérence dépendent des environnements spécifiques dans lesquels se construisent et se déconstruisent les relations foncières.