Regroupement et différenciation : sens et enjeux de la création d'un espace villageois par l'Etat : exemple de Ouénon dans le Nord-Bénin

Les regroupements de villages auxquels, le Benin a procede en 1961, sur des sites se trouvant
sur des axes routiers de circulation facile, ont abouti a la creation de grosses agglomerations. Ces
agglomerations sont considerees comme des espaces sociaux crees par l'Etat. C'est dans l'un de ces
espaces (Ouenou dans le Nord-Benin), oil s'offrent a voir des problemes lies a !'integration, a la
differenciation et a d'autres situations d'exclusion que notre travail a pris corps. Ces problemes
s' articulent respectivement autour des questions de l' anteriorite ou de la posteriorite dans le processus
d'installation dans ces nouveaux espaces et autour de la gestion des ressources. Ces problemes ont
engeildre de virulents clivages entre autochtones et allochtones fluctuants en fonction des enjeux et des
acteurs en presence. Dans un tel espace, nous avons trouve convenable et interessant de chercher a
savoir par quels mecanismes ces fluctuations relatives aux clivages se construisent et prennent sens
aux yeux des differents acteurs. Nous avons ensuite cherche a savoir les influences que ces
regroupements ont eues sur les institutions qui leur preexistaient et sur celles qui ont vu le jour apres
eux. En outre nous nous sommes interesses a la f~on dont les acteurs sociaux ont pu se les approprier
en les integrant dans leurs pratiques quotidiennes. Nous nous sommes en:fin pose la question de savoir
comment le regroupement a participe a la configuration de l'espace politique villageois et ses
influences sur les activites quotidiennes.
La methodologie adoptee est celle de la« theorie de terrain ». Notre recherche fut meublee par
deux phases : une phase de tatonnement et une phase de production de donnees de base iterative entre
le terrain et les donnees theoriques. Cette demarche correspond a la « grounded theory». Elle a pour
but d'offrir des opportunites de recentrage du travail sur de nouvelles pistes, issues des observations et
des entretiens. Mais, ii faut mentionner que cela n' est pas sans rapport avec notre modele choisi, qui
est base sur la configuration 1
• Sur le terrain, ce modele nous a conduit a prendre en compte
l'interdependance ou la relation structurelle entre les donnees, les interlocuteurs et les objets. Ce qui
est important de mentionner aussi est que la longue duree de notre sejour sur le terrain nous a pennis
de multiplier nos contactes de nos registres de relations avec les acteurs. Nous sommes passes des
cadres formels d'entretien a des entretiens informels qui ont deritualise nos relations avec nos
enquetes. Nous avons eu !'occasion de vivre, d'ecouter et d'observer des situations, des propos et des
evenements qui nous ont permis de comprendre les comportements des acteurs sociaux et de
comprendre leurs logiques respectives qui constituent d'aille~rs l'essentiel de nos resultats.
En effet, nous en sommes arrives a quatre grandes conclusions :
1. le caractere flou du stigmate d' « etranger » utilise a l'endroit des deplaces, et les
relations matrimoniales qui se sont scellees entre autochtones et allochtones ont
deplace ou complexifie les rapports autochtones-etrangers, et diminue la virulence de
ces clivages. ·
2. l'exclusion des de1;>laces de la gestion des organisations locales telles que le GV,
n'etait que strategique afin de les ecarter et de les desarmer, dans le but de les rendre
moins competitifs dans cette lutte pour la quete du pouvoir.
3. on note un grand ecart entre les logiques des acteurs qui subissent les reformes (et qui
en arrivent, parfois, a creer d'autres institutions, en situation de crise) et l'Etat qui les.
adopte. Cette difference de logiques se constate au sein des acteurs qui les subissent au
point de les plonger dans des situations conflictuelles qui nous ont amenes a conclure
que les processus de changements socio-economiques sont plus proches d'un modele
conflictuel que d'un modele harmonieux. (Blundo, 1994)
4. loin d'etre pessimistes, nous avons pu constater que dans les villages regroupes, les
variables qui ont ete determinantes dans l'ampleur des crises sont relatives aux
nombres de personnes deplacees, a la nature des relations qu'ils entretenaient entre
eux, et aux enjeux lies a !'integration des deplaces. Mais ii existe malgre tout, dans des
cas comme Ouenou, qui est notre site de recherche, une cohabitation qui offre des